[Tribune] Crise dans le football au Gabon

 

Adrien Nkoghe Essingone* aborde la crise actuelle du football gabonais, notamment marquée par la suspension actuelle du National-Foot. Évoquant les réformes mises en place en 2021 pour transformer les clubs en sociétés sportives et le soutien gouvernemental pour les charges des clubs, il recommande, entre autres, la mise en place d’un financement stable, pour trois ans, de 10,5 milliards de francs CFA pour résoudre durablement la crise.

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Adrien Nkoghe Essingone, député, ancien ministre, ancien président de la Fegafoot. © D.R.

J’ai l’humilité, en ma qualité d’ancien footballeur, ancien dirigeant de club, en l’occurrence l’Olympique sportif de Libreville (OS L) et ancien président de la Fédération Gabonaise de Football, après y avoir servi comme Vice-Président sous Patrice Nziengui et le Dr. Bevignat-Pither, de penser que je pourrais évoquer la crise qui sévit dans le football, mais essentiellement sur la suspension actuelle du National-Foot.

A cet effet, je voudrais me permettre de réagir aux propos du président du CF Mounana, et proposer quelques pistes de sortie de crise. Les propositions du Président Hervé Patrick Opiangah sur la marche du football gabonais ne nous laissent pas indifférent, venant d’un des principaux dirigeants de club qui consacre son temps et ses moyens pour l’élévation de notre football. Ses propos sont à saluer, car ils permettent de mesurer l’étendue de la crise et du déficit structurel, ainsi que l’état psychologique actuel des dirigeants et des pratiquants.

Toutefois, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire de tenir une nouvelle instance de dialogue ou de faire de nouvelles assises du football national, car tout a été dit et décidé à Akanda en mai 2021. Tous les acteurs majeurs y étaient présents, notamment le ministère de tutelle, et la Fédération gabonaise de Football, co- organisateurs, les associations représentant les clubs, les joueurs et les arbitres. S’en sont suivies des recommandations fortes, dont entre autres, celle de la sous-commission Modèle économique et social qui proposait un changement de paradigme en ce qui concerne les financements, en impliquant fortement le secteur privé, les collectivités locales, en plus de l’apport financier de l’État, et dont l’axe principal serait la transformation des clubs actuels en sociétés à objet sportif (SOS), conformément à la loi 033/2020 du 22 mars 2021 portant orientation de la Pratique Nationale du sport et de l’éducation sportive en République Gabonaise.

Cependant, il a été décidé que la mise en place de cette réforme passait par l’organisation d’un championnat transitoire sur une période de trois (3) ans.

A ce sujet, le gouvernement avait pris des engagements, à savoir notamment la mise en place de la mutualisation des charges liées au fonctionnement des clubs de première (1ère) et deuxième (2ème) divisions, les examens médicaux et le suivi médical des joueurs professionnels, le paiement direct des salaires aux joueurs professionnels par les pouvoirs publics via la Ligue Nationale de Football professionnel (Linafp), la prise en charge du transport des clubs sur l’ensemble du territoire, la prise en charge de l’hébergement des clubs sur l’ensemble du territoire pendant les rencontres du championnat national, la prise en charge de la restauration pour toutes les équipes pendant leurs déplacements. Pour le suivi et l’évaluation de ces recommandations, une commission a été mise en place.

Nous pensons qu’il s’agit d’une bonne et grande réforme qui a l’imprimatur des décideurs et des acteurs. Les textes adoptés viennent surtout matérialiser une vaste réflexion sur le Championnat national, neuf ans après le lancement de sa professionnalisation initiée par le Président de la République, Chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba, au sortir de la CAN 2012 Gabon-Guinée Équatoriale.

Ces textes, devrions-nous le rappeler, créent un nouveau secteur d’activités dans la diversification de notre économie,  justement  par la professionnalisation du sport et surtout la mise en valeur de l’athlète, le préparant à l’après-football, notamment des formations à l’Institut national de la Jeunesse et des Sports (INJS), avec admission sur titre pour ceux qui voudraient par exemple se mettre à la gestion d’un club ou au management de l’administration sportive grâce aux formations acquises par le système LMD. Je le répète : il s’agit d’une très grande réforme.

Il nous reste maintenant à faire montre d’audace, de courage et de volontarisme pour rendre cette réforme effective. Nous pensons que c’est à cela que devrait s’atteler l’autorité de tutelle.

Il ne nous paraît pas judicieux de ne pas mettre en application, un an et demi après les assises nationales, les recommandations qui ont été adoptées dans un bel élan patriotique et dans un esprit collectif empreint d’unité, de cohésion et dans une solidarité agissante. Cette réforme est, pour moi, l’une des plus belles réformes de notre football car elle est inclusive pour le footballeur. Je peux en rendre témoignage, j’y suis depuis un certain nombre d’années.

En réalité, ce qu’il y a lieu de faire, c’est certainement de ne plus aller de saupoudrage en saupoudrage. Il vaudrait mieux avoir le courage de tout arrêter et mettre en place les conditions idoines pour ne plus subir l’arrêt du championnat national.

Aussi, étant donné que le budget annuel du National-Foot est estimé à la somme de trois milliards cinq cents millions de francs CFA (3.500.000.000 f) par saison, et que l’État a décidé d’une période transitoire de trois (3) ans, nous voudrions proposer qu’un financement triennal de l’ordre de dix milliards cinq cents millions de francs CFA (10.500.000.000f) puisse être trouvé et placé, par exemple, dans une banque publique, à l’instar de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Nous sommes convaincus que c’est l’unique solution ou l’une des pistes les plus fiables pour mettre durablement notre Championnat national dans d’excellentes conditions et de mettre fin à la crise.

Adrien Nkoghe Essingone*, ancien président de la Fédération gabonaise de football (Fegafoot)

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