La foire Design Miami Paris se tiendra en octobre prochain au Pozzo Di Borgo, un hôtel cossu appartenant au Gabon qui refait ainsi parler de lui. Si des magistrats français enquêtaient sur ce bien immobilier, on ne sait réellement qui le gère aujourd’hui ni où vont ses rentes, même résiduels. Au Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) ? À Maixent Accrombessi dont le nom plane toujours autour de cet éléphant blanc singulier ?
Villa de tous les fantasmes et de certaines colères des Gabonais, Pozzo Di Borgo, l’hôtel particulier de grand luxe acquis en 2010 par le Gabon pour 65 milliards de francs CFA, refait parler de lui. Cette fois-ci il n’est pas question d’une prise d’assaut par des membres de l’opposition vivant en France, d’une proposition d’achat par un fonds émirati ou encore d’une saisie conservatoire à l’instigation d’un créancier du Gabon. Il est question d’y organiser en octobre prochain un salon de design et d’arts décoratifs. Autrement dit, la villa cossue du 7e arrondissement de Paris, remis à la location depuis le mois de mai dernier, rapporte de l’argent ainsi qu’on le découvre à l’occasion.
La foire Design Miami Paris, nom d’un célèbre salon international de design et d’arts décoratifs, se tiendra donc du 17 au 22 octobre dans cet hôtel particulier appartenant au Gabon mais dont le journal Le Monde attribue la propriété à Ali Bongo. L’évènement va attirer dans la capitale française de grands décorateurs mondiaux et collectionneurs argentés.
Maixent Accrombessi ?
Acquis en 2010 par le Gabon et détenue par la société civile immobilière (SCI) Valnco, dont le principal associé est l’État gabonais, le Pozzo Di Borgo est un splendide écrin privé au 51 rue de l’Université. Les magistrats anticorruption français qui enquêtaient depuis sur le patrimoine immobilier de l’ancien président gabonais Omar Bongo, père d’Ali Bongo, accusé de blanchiment d’argent détourné au Gabon, l’ont également mis dans leur viseur depuis son achat. Et, les policiers de France ayant pisté les différentes SCI propriétaires de ce bien prestigieux sont formels : « toutes renvoient à un gérant, Maixent Accrombessi, et à son adresse, palais présidentiel de Libreville », où il officiait comme directeur de cabinet d’Ali Bongo durant le premier septennat de celui-ci. Qui donc bénéficie réellement de ce bien immobilier ?
Le 19 mai 2010, au moment de son achat, un communiqué du gouvernement gabonais annonçait qu’il « s’agit là d’un placement immobilier pour la République gabonaise (…) L’acquisition de cet immeuble permettra en outre de réduire les frais d’hébergement des officiels gabonais en mission en France. » Il avait également été expliqué que cette résidence était destinée à l’accueil non seulement des bureaux pour le chef de l’État et les membres du gouvernement lors de leurs missions officielles dans la capitale française mais aussi à abriter les locaux de l’ambassade. Ce qui n’a jamais été le cas.
En mai dernier, le Pozzo Di Borgo a été remis en location par la SCI Valnco, notamment pour des shootings photo. Il rapporte donc de l’argent, même résiduel, et va en rapporter un peu plus avec la tenue prochaine en ses murs de la foire Design Miami Paris. Où va donc cet argent ? Au Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), gérant du bien immobilier depuis 2019 ? À Maixent Accrombessi ? Qui finance l’entretien de cette immense et luxueuse infrastructure ? Omerta et flou artistique.
Éléphant blanc ! Pure perte
Ainsi que l’explique Wikipédia, « un éléphant blanc est une réalisation d’envergure prestigieuse qui s’avère en définitive plus coûteuse que bénéfique et dont l’exploitation ou l’entretien devient alors un fardeau financier ». Le Pozzo Di Borgo qui répond très bien à cette définition en est alors réellement un.
En septembre 2019, le sheikh Ahmed bin Dalmook al-Maktoum proposait, à travers un fonds émirati, de le racheter au Gabon à 450 millions d’euros, environ 295 milliards de francs CFA. Le pays aurait donc pu engranger une jolie marge bénéficiaire de plus de 200 milliards de francs CFA. Ce qui aurait transformé l’acquisition en investissement réellement stratégique. Pourquoi donc le Gabon s’entête-il à conserver, vide et en pure perte, « l’un des cinq plus beaux bâtiments de Paris avec l’Elysée et l’Hôtel Lambert », ainsi s’en est extasié, cité par Le Monde, le galeriste de design Didier Krzentowski ? Absurde ! Vous avez dit absurde ?