La concertation dans l’impasse : Tout reprendre de zéro

 

Dans les développements d’Ali Bongo sur l’harmonisation des mandats et la «nécessité (…) de mettre en œuvre des mécanismes moins dispendieux», d’aucuns ont perçu une volonté de modifier les modalités d’élection du président de la République. Les positions s’étant déjà éloignées, plus aucun rafistolage ne semble possible.

Les positions s’étant déjà éloignées, les passions ayant été portées à un inquiétant niveau d’incandescence, plus aucun rafistolage ne semble possible au stade actuel. Pour ainsi dire, il parait désormais plus sage de tout recommencer. © Montage Gabonreview

 

Peu importent leurs motivations, la dissimulation et l’impréparation n’ont jamais été des facteurs de réussite. Encore moins de grandeur d’esprit. Un jour ou l’autre, leurs adeptes en font les frais. Ouverte lundi dernier, la concertation politique voulue par le président de la République est en passe de virer au vaudeville. Même si certains continuent à jouer les matamores, ses organisateurs ne savent plus comment en garantir la crédibilité. Quand bien même ils ne l’admettront jamais, ils semblent dépassés par les événements, peinant à faire démarrer la machine. Ayant réservé 30 places à l’opposition sans définir les critères de sélection, ils ont créé les conditions du capharnaüm. De guerre lasse, ils ont porté le chiffre à 40 sans parvenir à ramener la sérénité. Bien au contraire. S’étant jusque-là montré bienveillant, Pierre-Claver Maganga-Moussavou dit ne plus vouloir y prendre part

Glissement du débat

Tout au long du mois de janvier dernier, de nombreux observateurs et acteurs s’étaient pourtant interrogés sur le format de cette rencontre. Ces derniers jours, ils ont alerté sur les risques inhérents à l’improvisation ou à la malice. «Le RPM tient à rappeler qu’il a accepté de prendre part à ces assises qu’à la condition que celles-ci ne portent que sur les questions liées à la transparence électorale, contenues dans le mémorandum à la rédaction duquel il a fortement contribué et déposé au ministère de l’Intérieur et à la Cour constitutionnelle au mois de juin 2022», prévenait Alexandre Barro Chambrier le 13 février au matin. «Initialement présentée comme un moyen d’apaisement, la concertation passe désormais pour une fumisterie, une inutile dépense d’argent, une opportunité pour les uns de se partager des prébendes», tranchait Paulette Missambo le même jour. «Le processus en cours aurait dû être pleinement démocratique, c’est-à-dire transparent, inclusif et juste», regrettions-nous une semaine plus tôt. Peine perdue.

Au terme de la cérémonie de lancement, toutes ces réserves et critiques ont gagné en résonance voire en pertinence. Dans les développements d’Ali Bongo sur l’harmonisation des mandats et la «nécessité (…) de mettre en œuvre des mécanismes moins dispendieux», d’aucuns ont lu les prémisses d’un glissement du débat vers les questions institutionnelles. D’autres y ont même perçu une volonté de procéder à une quatrième révision constitutionnelle en moins de 14 ans afin de modifier les modalités d’élection du président de la République. Face aux interrogations laissées en suspens par Alain-Claude Bilie-By-Nze, les rumeurs sont allées bon train. On a entendu parler de sommes d’argent promises aux uns, de l’existence d’une «opposition du pouvoir» différente de «l’opposition au pouvoir». Comme durant la mise en place du bureau du Centre gabonais des élections (CGE), le ministre de l’Intérieur a été accusé de s’ériger en chef de l’opposition, de privilégier «les groupes et plates-formes» et de «ne pas tenir compte des partis qui ont des élus nationaux et locaux».

De nombreux angles morts

Depuis le début du processus en cours, le pouvoir se refuse à jouer cartes sur table. Croyant finasser ou se donner les moyens d’imposer ses vues, il entretient de nombreux angles morts. Or, ni la confiance ni la sérénité ne peuvent éclore dans l’opacité et la dissimulation. En absence d’informations claires et complètes, les citoyens exprimeront toujours leurs doutes et craintes, mettant les acteurs politiques sous pression. Pour ne pas être suspectés de choses et d’autres, notamment de corruption et de connivence, ces derniers se montreront toujours prudents, quitte à faire dans la surenchère.  De ce point de vue, leur adhésion ne sera jamais franche et totale. Sauf, bien entendu, s’ils y trouvent un intérêt particulier. Peut-on «préserver l’intérêt supérieur (du) pays et de sa population» ou «transcender (les) divergences et (…) opinions partisanes» dans un tel contexte ? On peut en douter.

S’il vise vraiment «l’organisation d’élections aux lendemains apaisés», le pouvoir dispose d’une seule option : tout reprendre de zéro. Dans un premier temps, il doit composer un comité préparatoire et définir son mandat. Dans un second temps, l’entité ainsi constituée doit proposer les critères de sélection des participants, recueillir leurs attentes, proposer un cadre méthodologique et organisationnel… Pour garantir la transparence, une note conceptuelle devrait être publiée au terme de ce travail. Les positions s’étant déjà éloignées, les passions ayant été portées à un inquiétant niveau d’incandescence, plus aucun rafistolage ne semble possible au stade actuel. Pour ainsi dire, il parait désormais plus sage de tout recommencer.

 

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